Armand Gatti
Armand Gatti, homme de théâtre, de cinéma, poète.
C’est un vrai personnage, sa vie a elle seule est déjà un roman.
Fils d’un balayeur anarchiste il s'engage en 1942 dans la
résistance et part pour
le maquis. Arrêté en 1943 et condamné à mort, il est finalement
déporté en
Allemagne, près de Hambourg, (matricule 17173 à Linderman) d'où
il s'évadera.
Il rejoint l'Angleterre, puis participe à la libération.
Il travaille ensuite comme journaliste (il reçoit le prix Albert
Londres en 1954),
avant de se consacrer au théâtre. Une partie de son œuvre a pour
thème la
Résistance et la déportation.
C’est en camp de concentration que Gatti a eu la révélation du
théâtre. Un jour,
il a vu trois rabbins lituaniens jouer une pièce, la plus
rudimentaire, mais aussi la
plus essentielle qui soit. Elle tenait en trois phrases:
"Ich war, ich bin, ich werde
sein." "J’étais, je suis, je serai."
Elle évoquait d’abord le passé, les pogroms, la diaspora, puis
la réalité présente,
celle du camp, et finissait par un futur improbable. Devant ces
hommes qui
miment la ronde d’une errance éternelle, Gatti voit l’incroyable
se produire: les
prisonniers sourient. Le théâtre permet de remettre en
perspective la réalité du
camp. Il réintroduit la possibilité d’une distance -et par là même
d’une grandeur,
d’une dignité. Avec cette psalmodie obstinée, les trois
prisonniers risquaient leur
vie. Ils ne furent pourtant jamais dénoncés. "De ce théâtre
du camp est né tout ce
qui est devenu nécessité d’expression, disait Gatti à Marc
Kravetz.
Armand Gatti
Gatti est aussi bien
un journaliste, un homme de théâtre, résistant, déporté et anarchiste.
Dans sa tumultueuse vie il a croisé sur sa route les Grands qui font une
histoire du XXe siècle (Einstein, Mao, Castro, Mussolini, Malraux…). Par son œuvre
il se pose comme témoin des luttes du siècle dernier et ses écrits sont le
reflet de ce regard. Il intervient comme poète sur le terrain des historiens,
comme cinéaste chez les biographe mais il se veut surtout comme passeur d’histoire. Gatti écrit pour donner
vie au personnages, aux situations qu'il extrait de sa mémoire contre oubli.
Son œuvre est engagée et révolutionnaire, son théâtre est celui
de la lutte et de la rébellion. Il défends les opprimées car dans lui même vie
le jeune résistant de 16 ans et le déporté de 18 ans. L’un des personnages de
la pièce V comme Vietnam l’affirme : « Il y a toujours chez l’homme
quelque chose qui s’insurge ». Les personnages de Gatti sont hanté par la
défaite, par la répression du pouvoir, la haine et la violence. Gatti, s’il est
poète et dramaturge a aussi été journaliste. Le journalisme devient une terre
d’exil pour l’écriture et n’a cessé de nourrir son œuvre, même après 1959,
lorsqu’il met un point final à sa brillante carrière journalistique pour monter
ses pièces de théâtre. Selon Armand Gatti poète, l’action et l’écriture
constituent un même tissu que traverse la parole orale. Ainsi, sa pièce Le
Labyrinthe est une expérience critique concernant la mémoire (des personnages,
des mythes, des traditions et de l’histoire). Le débat porte sur ce que doit
constituer la mémoire. En 1960, il crée son premier film L’Enclos qui reprend
cette thématique. Le noyau dramaturgique est un pari entre des gardiens d’un
camp de concentration : Ils enferment dans un enclot un communiste
allemand et un juif français. Un seul peut survivre. Qui va tuer l’autre ?
Ce film " l'enclos" n'étant pas conforme à la morale de
l'époque est refusé à la sélection officielle du festival de Cannes en 1961. Il
dérange car il témoigne d’une expérience personnelle qui montre la résistance à
l’intérieur d’un camp : le communiste est remplacé par un cadavre pour
éviter la lutte des deux hommes et satisfaire la cruauté des gardiens. Le camp
de concentration est vu comme un objet de réflexion sur le monde. L’aspect
allégorique l’emporte sur la dimension réaliste.
Pour Pierre Daix le cas est différent… Autour de ses
vingt ans, Pierre Daix a
connu presque toutes les sortes de détention imaginables: le
Dépôt de la
préfecture de police, Fresnes, La Santé française et La Santé
allemande, le fort
d'Hauteville (près de Dijon), la centrale de Clairvaux, la
prison de Blois, le camp
de Royallieu (près de Compiègne), le camp de concentration de
Mauthausen.
Comment survit-on quand alentour la mort règne? Comment
reste-t-on,
devient-on un militant politique tout en sauvant chaque jour sa
peau?
Sur quoi sont fondés les rapports de force: les trafics, les
violences, les
humiliations, le sadisme, les privilèges, les signes extérieurs,
le
pouvoir sur les autres, la liberté de circulation, la
solidarité, etc. Pierre
est un temps affecté à la compagnie pénitentiaire où des détenus
sont
condamnés à mourir d'épuisement en portant dans une hotte
jusqu'en
haut de l'immense escalier les pierres de la carrière.
Les conditions de la survie. La chance, l'organisation de la
résistance intérieure,
l'instinct, le sang-froid. Mais aussi l'adhésion à un idéal
fort. Pierre dit que c'est à Mauthausen qu'il est devenu stalinien. « Tout
poussait mes camarades
et moi à un tel sentiment de supériorité. Notre vie de tous les
jours était héroïque». Le doute est mortel, et la mort est partout. Particulièrement
pendant le terrible hiver 44/45 où les cadavres gelés sont entassés jusqu'aux
toits tandis que les vents d'Est portent le roulement des canons soviétiques.
Donc presque toute la guerre vécue dans des lieux d'enfermement
A la Libération des camps, héros malgré lui… le Parti le prend
en main,
il devient le secrétaire de Charles Tillon puis rédacteur en
chef des « Lettres
Françaises », mais c’est dans son dernier livre qu’il raconte
d’une façon
humaine son histoire à Mauthausen et comment cela a
influencé sa vie. Ce n’est pas par hasard qu’il a aidé a faire sortir et
publier les textes de Soljenitsyne sur le goulag ( une journée d’Ivan
Denissovitch
)en 1975.
Un block encore intact de Mauthausen.
Pierre Daix, déporté à Mauthausen.
Le soir, je grelottais avec une fièvre de cheval. Un point me
tordait le côté droit.
Je crois que j'ai déliré pendant trois jours. Le médecin
soviétique me forçait à
avaler une purée d'aspirine avec un peu d'ersatz de thé chaud.
Quand j'avais
bien sué et trempé mon châlit et les deux qui l'occupaient avec
moi, il me
transportait parmi d'autres, secs et chauds. Et ainsi de suite.
J'ai émergé de ma
fièvre un matin au réveil. Je voulus descendre du châlit pour
aller pisser, mais
je me suis effondré sous la douleur. J'ai appris à marcher avec
mon point de
pleurite, cassé comme un petit vieux et sans souffle. Marteau
m'a récupéré dans
son châlit, il m’a donné un peu de sucre de la solidarité. Je
venais de franchir
l'anniversaire de mes 22 ans. Arrivé en 1943, tuberculeux, et
donc planqué pour
échapper au gazage, Marteau possédait cette pureté d'eau limpide
que j'avais
déjà rencontrée chez Christian ou chez Carlo. La jeunesse
communiste d'alors
élevait de tels saints laïques, amoureux de la vie, mais
capables de s'en priver
pour leur idéal. Par lui, je connus le secrétaire. Il m'expliqua
qu'il me garderait
dans mon block jusqu'à ce que les camarades du camps me trouvent
un emploi.
Je lui dois ma convalescence et probablement la vie, car ma
douleur mit
longtemps à diminuer et mon souffle autant à revenir. »
Serge Silberman, né le 1er mai 1917 à Lodz, alors dans l'Empire russe,
est un producteur français unique et exemplaire : un producteur artiste.
Un des seul a
pouvoir être comparé aux grands producteurs atypiques hollywoodiens (David
Selnick, Alexandre Korda).
Le nom de Silberman est attaché aussi bien aux jeunes
turcs des années 50, comme Melville ou Becker, qu’aux grands cinéastes
classiques des années 70 : Bunuel , Oshima et Kurosawa. Il fait partie de
cette catégorie de producteurs motivés avant tout par les entreprises de
cinéastes singuliers.
Quand on lui demandait d'où il sortait cette énergie,
cette hargne pour gagner et imposer ses idée, il répondait qu'un homme comme
lui né la deuxième fois à Auschwitz, les obstacles financiers lui paraisse de
la gnognote.
Et ce n'est pas par hasard qu'il a demandé que ses cendres
soient dispersées à Auschwitz. De quelle façon sa vie influença-t-elle sa manière
de faire son métier ?
Bunuel Silberman
Après avoir frôlé la mort de si près, plus rien ne lui
fait peur, mais il n’a plus guère d’illusions non plus sur la grandeur de l’âme
humaine ni envie de prendre des précautions particulières dans les relations
sociales... (quand un ministre de De Gaulle lui demanda de censurer « le
Journal d’une femme de chambre », il lui demanda ce qu’il faisait pendant
la guerre...).